Athena

Langues d'Europe

Lettre adressée à une collègue du Service de Traduction de la Commission européenne

21 Mai 2016

Lettre adressée à une collègue du Service de Traduction de la Commission européenne.

Je croyais avoir été claire quant au fait que mon action porte exclusivement sur la « question linguistique européenne » et non pas sur le français langue mondiale et encore moins sur le français de l’Academie française. Mon intérêt pour le français au sein des institutions européennes est, exclusivement, dû au fait qu’il s’agit d’une langue latine qui véhicule la « forma mentis », les valeurs, les points de repère, la vision du monde de la civilisation gréco-latine qui est la mienne et dans laquelle se reconnaissent normalement tous les Latins avec tout leur bagage ethnico- éthico-culturel.

Tu fais allusion à l’"euro jargon" qui n’a aucune incidence sur la validité de l’usage du français dans le cadre du processus d’intégration de l’Europe où ce qui importe n’est nullement la pureté de la langue mais sa forme de pensée, ses points de repère et les valeurs qu’elle véhicule et qui appartiennent à toute la civilisation gréco-latine prise d’assaut par la pensée unique de la globalisation et en danger de disparition. La  pureté de la langue est une question interne à la France, le français n’est pas sa propriété privée et exclusive, il appartient à des populations entières qui ne sont pas de nationalité française et à tous ceux qui se reconnaissent dans sa forme de pensée, à ceux qui le choisissent en tant que langue de conception pour exprimer leur pensée et à ceux qui l’adoptent pour la rédaction des textes destinés à la législation communautaire.

Tu signale que, de toute façon, la législation européenne est traduite dans toutes les langues officielles mais c’est bien cela le problème des Etats Membres de l’Union, celui de devoir assimiler, après qu’elle a été adoptée par les instances communautaires, une législation conçue, rédigée, discutée, approuvée dans une langue unique qui ne dispose meme pas des notions et des points de repère des systèmes juridiques des Etats Membres auxquels elle est applicable. La réalité est que cette législation n’est pas applicable sinon au prix de cafouillages et d’entorses vis-à-vis des systèmes juridiques nationaux. Encore pire, elle est appliquée à l’encontre des intérêts nationaux parce que les représentants qui ont participé aux groupes de travail n’ont pas été en mesure de comprendre, dans les détails et avec précision, la teneur de la réglementation présentée par la Commission dans une seule langue.

Des problèmes surgissent de plus en plus fréquemment à ce propos comme, par exemple, celui du fromage qui devrait être fait avec de la poudre de lait et non pas avec le lait, ce qui a crée des remous-ménage en Italie. On se demande que est ce qui c’est passé dans le groupe de travail de la DG Agriculture et pourquoi les Italiens n’ont pas été en mesure de prévenir ce problème qui me parait de taille. Ça c’est le cadeau qui nous ont fait ceux qui on démantelé et, en partie, externalisé les Services linguistiques de la Commission qui ont été pendant longtemps les plus performants au monde. Pour le projet d’intégration de l’Europe, les Services Linguistiques constituent des services fondamentaux au service des citoyens et de la DEMOCRATIE.

La méthode communautaire, rigoureusement respectée pendant de longues années, prévoyait que, au sein des groupes de travail constitués pour toute matière à réglementer, les représentants des Etats Membres disposaient, dès la première réunion, du texte de la proposition de la Commission dans leur langue maternelle et que toutes les versions dans les différentes langues grandissaient ensemble, réunion après réunion, grâce à une très efficace et professionnelle collaboration avec les Services linguistiques, afin que les représentants des Etats Membres soient en mesure de comprendre avec précision la teneur de la réglementation en voie d’adoption et exercer un contrôle total quant à l’intérêt individuel et collectif de la même réglementation. Je suis bien placée pour le savoir pour avoir participé à des nombreux comités et groupes de travail et rédigé de ma plume les textes des propositions de la Commission de différents Règlements, Directives et Accords avec les Pays tiers.

Je ne suis pas Française, le combat de la pureté de la langue française n’est pas le mien, en tant qu’Italienne, il est plutôt celui de la réintégration de l’italien dans le jeu des langues d’usage courant, au sein des Services de la Commission, compte tenu du fait que l’Italie est l’un des quatre grands Etats Membres de l’Union et le seul dont la langue n’a pas été retenue comme « langue de procédure ». Le choix de retenir la langue des quatre grands (plus de 60 Milions de citoyens) Etats Membres constituerait, au moins, un critère de discrimination crédible, alors qu’actuellement il n’y en a aucun.  En l’attente je peux me contenter du français pour les raisons que j’ai largement exposées.

Pour ce qui est de la pureté de la langue, comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’une question interne à la France qui en a certainement besoin au vu de ce que l’on voit circuler et qui n’est pas un phénomène uniquement français mais touche tous les Pays et toutes les cultures. Par contre, les Français seraient sages de s’abstenir d’aller chercher des poux sur la tête des citoyens européens et de tous les autres qui utilisent le français, cette inélégante et stérile chasse aux sorcières ne peut que porter préjudice à la question linguistique européenne, à la France et au français.

J’ai la très nette impression que les Français s’égarent derrière les langues régionales, la pureté de la langue dans un contexte international et en allant taper sur les doigts des citoyens européens qu’utilisent le français. Je m’interroge sur l’origine de cet égarement.

En annexe je joins l’avis, très synthétique, d’un éminent juriste italien quant aux dégâts de l’usage de l’anglais et de sa terminologie dans la législation italienne.

Bien à toi,    Anna Maria

ANNEXE

Mauro Mellini
Piazza Bainsizza, 1
00195 Roma

Carissima Anna Maria,

…………………….

Il diritto anglosassone è qualcosa di strutturalmente diverso da quello europeo-continentale, dell’Illuminismo e delle codificazioni. La lingua, il lessico sono lo specchio di questa diversità. Termini anglosassoni, di cui si pavoneggiano asini patentati più o meno togati, anziché rappresentare un’esigenza di novità giuridiche sono il veicolo dell’allentamento e della confusione di idee circa l’inserimento nel nostro sistema di elementi d’altra origine e natura.

Il nostro è un diritto pensato (quando qualcuno pensava) in latino. L’uso di termini latini non è un’esibizione di Azzeccagarbugli: è l’espressione di schemi mentali addirittura pregiuridici che non possono essere facilmente sostituiti neppure dalle lingue nazionali in cui sono scritti i codici, figuriamoci dall’inglese che è la lingua di popoli che hanno realizzato, magari partendo da residui del diritto romano, sistemi giuridici opposti.

 

………………….

Mauro