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« Commentaire à la Communication de Margot Wallström de Juillet 2005 »

Le texte de Margot Wallström n’est pas convaincant.

Il n’a pas de tripes, il n’a pas de cœur, il n’a pas de tête, il n’a pas d’âme, il est stéréotypé, il est déclaratoire, il ne s’appuis sur aucun fait concret, sur aucune des actions, aucune des politiques communautaires mises en place par la Commission ces derniers temps.

Ce document est un cliché, adopté après les échecs des referendum sur la Constitution en France, aux Pays-Bas, en Espagne (43°/° de participants) et suite à l’absence d’intérêt manifesté par le faible taux de participation aux élections du Parlement Européen, qui ne prévoit de produire aucun effet concret, sauf une évangélisation de plus en plus poussée du citoyen dans une culture qui n’est pas « européenne » pour  la réalisation de laquelle on fait recours aux grands moyens : les communicateurs. En lieu et place de se poser en tant que pépinière de langues et de cultures des Etats Membres de l’Union, les institutions européennes deviennent, de plus en pus, une mauvaise copie d’autres institutions en d’autres parties du monde qui n’ont aucun dénominateur commun avec le processus d’intégration de l’Europe.

Le document Wallström apparaît comme un produit synthétique construit à la machine, pour embobiner le citoyen, lequel se trouve quotidiennement confronté au mur de béton de la langue et de la culture dominante, à l’intérieur comme à l’extérieur des institutions européennes.

Pour ce qui est de l’information, des actions  et des contacts avec les citoyens, mais aussi de la conception des services, de l’interaction dévoyée entre la Commission et le Conseil, il n’y a qu’une « communication » claire : l’Union Européenne est une colonie anglo-américaine et les institutions européennes sont devenues le bras opérationnel de cette colonisation.

Quant  à l’assertion que « les citoyens ne se sentent pas impliqués dans le processus politique européen et ne prennent donc pas la peine de s'informer ou d'exprimer leur opinion », je peux dire que cela fait des années que je me donne la peine d’exprimer mon opinion de citoyenne, de l’intérieur de la Commission, d’abord en tant que simple fonctionnaire, ensuite en tant que membre du comité exécutif d’un syndicat de fonctionnaires européens, comme de l’extérieur, dans ma qualité de membre d’associations de défense des langues officielles de la Communauté Européenne, sans aucun résultat tangible, même pas une réponse pertinente aux questions que je pose. Si cela est la communication que l’on veut mettre en place, on n’ira pas loin.

Dans son message, Margot Wallström parle en première personne, comme si elle avait le pouvoir de décider, toute seule, de la politique de communication, alors que la Commission est une institution, un Collège, dont l’une des prérogatives fondamentales est la sauvegarde de l’intérêt général, au sein de l’Europe, un intérêt général qui ne peut pas reposer sur le bon vouloir d’un seul individu, fut-il Commissaire européen.

Quelle est  donc la position de la Commission en la matière ? La Commission a-t-elle vérifié la cohérence avec d’autres matières, d’autres politiques de sa compétence ? Comment la Commission pense-t-elle pouvoir concilier la politique de communication, préconisée par Margot Wallström, avec l’imposition de plus en plus poussée, en son sein, d’une seule langue de travail, avec l’instauration d’un nombre excessivement  restreint de langues de procédure, avec l’organisation de concours en trois langues, avec les appels d’offre, dans de nombreux domaines, en une seule langue, avec les mesures de restriction et de démantèlement qui sévissent au niveau des services de Traduction et d’Interprétation ?

Il me semble essentiel de mettre en évidence qu’aucune politique, aucune stratégie de communication avec le citoyen européen ne peut avoir une chance de succès en l’absence d’une véritable politique linguistique de l’Union qui constitue un préalable indispensable à toute communication.

A l’heure actuelle il n’existe pas, au sein de la Commission, une politique linguistique mais plutôt une politique d’économie draconienne des ressources humaines et financières à consacrer aux langues officielles des Etats Membres.

Il s’agit d’une stratégie de démantèlement des services linguistiques, mise  en place par Neil Kinnock, qui n’a pas de raison de survivre au départ de son initiateur. Elle constitue une dérive institutionnelle dont la responsabilité incombe, au premier chef, à la Commission du fait de sa négligence dans la gestion du domaine linguistique et de sa carence face au droit d’initiative qui lui incombe, ensuite au Conseil de Ministres et au Parlement Européen lesquels jugulent toute possibilité d’une véritable politique linguistique, qui puisse répondre aux besoins des citoyens et aux exigence de la démocratie, par le biais de restrictions budgétaires inadmissibles. Cette dérive est en train de creuser un fossé entre les citoyens et les institutions. Il ne s'agit nullement de défendre l’intérêt de l’un ou de l’autre Etat Membre, il s’agit de préserver un élément essentiel du processus d’intégration de l'Europe.

Le domaine linguistique, celui des langues officielles des Etats Membres, de par le contexte des Traités, constitue de plein droit un domaine de compétence communautaire au sujet duquel la Commission est dépositaire d’une responsabilité et d’un droit d’initiative non exercées au demeurant.  Loin d’être un domaine à noyer dans des chicaneries administratives, parmi les fournitures de services de différente nature, soumis au aléas du budget de fonctionnement, la politique linguistique a vocation de faire l’objet d’une véritable politique communautaire disposant d’un budget « ad hoc ». Il s’agit d’une question politique fondamentale qu’il faut placer au niveau qui lui revient afin de garantir la cohésion de l’Europe et l’adhésion des citoyens à son projet d’intégration.

Au contraire, la nouvelle Commission, au lieu de se responsabiliser pour faire face au dernier élargissement, joue du tape à l’œil, elle s’emperlouse du mot « multilinguisme » mais elle le noie parmi de nombreux autres domaines, tels que Education, Culture, Formation, langues régionales et dialectes, qui ne sont même pas des domaines de compétence communautaire. Elle subtilise, en fin de compte, les ressources humaines et financières, destinées aux domaines de compétence communautaire, en les détournant vers des domaines dont le but et l’intérêt, au niveau communautaire, ne sont pas clairement identifiés et établis.

Quant à la question du coût du multilinguisme, c’est un mythe construit de toute pièce par les partisans de la langue unique et agité comme un épouvantail, à tort et à travers, par le British Council et ses adeptes. On peut démontrer, chiffres à la main, qu’il s’agit de coûts tout à fait raisonnables et, même, ridicules par rapport aux coût d’autres secteurs et, en particulier, par rapport à l’impact en faveur de la participation du citoyen au projet d’intégration de l’Europe et, de ce fait, à la mise en œuvre de la démocratie.

Anna Maria Campogrande