Lettre à Jérôme Vignon, Président du Conseil d’administration, Chapelle de la Résurrection
Chapelle Van Maerlant
Rue Van Maerlant, 22-24
1040 Bruxelles
Monsieur le Président,
Depuis plus d’un an je n’ai reçu aucune information quant aux activités de la Chapelle, ses réunions, ses conférences, ses cérémonies religieuses. Il est vrai que lorsque j’ai eu l’occasion de participer à l’une ou à l’autre de ces activités j’ai toujours manifesté ma déception quant à l’usage des langues, à la trop importante place faite à l’anglais et à l’inattention envers l’italien qui est la langue de l’Eglise catholique romaine et d’une très importante communauté au sein des institutions européennes, mais je suis surprise quant au fait que mes remarques puissent avoir eu une telle suite.
En fait, si une utilisation prononcée du français peut se justifier compte tenu du fait qu’il est langue officielle de la Belgique et langue véhiculaire de Bruxelles, celle de l’anglais ne se justifie nullement et porte en soi le goût amer de la colonisation. J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire il y a quelque temps et je me permets d’insister quant au fait que, à mon sens, au cas où on devait s’écarter de l’usage du français, qui peut se justifier à différents titres, il n’est pas admissible de donner un rôle prépondérant à l’anglais mais il faudrait plutôt accorder une part égale à toutes le langues ou, encore mieux, revenir au latin et à son universalité.
Vous savez que, dès le début du projet de restauration de la Chapelle, j’en ai été enthousiaste et j’y ai contribué, modestement mais avec conviction, persuadée de l’importance et de la nécessité d’avoir, au cœur des institutions européennes, un symbole de la spiritualité de l’Europe et un centre de réflexion sur son existence et son devenir au plan des valeurs de la chrétienté.
Aujourd’hui, compte tenu des orientations linguistiques de la Chapelle, de l’espace accordé à des théories tendancieuses telles que celles exposées notamment par Philippe Van Parijs, je ne crois plus en son rôle d’ouverture et de réconciliation. Je ne peux, surtout, pas accepter de contribuer, par le biais de mon soutien à une institution de l’Eglise catholique, à l’épanouissement de l’anglais qui est une langue de prédateurs qui ont mis à feu et à sang tout le Moyen Orient et constituent un véritable danger pour la paix dans le monde et pour le développement humain.
Je ne suis pas de ceux qui suivent le mouvement sans se poser des questions et la réponse aux questions que je me pose consiste à dire qu’il est grand temps de mettre un terme à la colonisation anglo-américaine qui répand dans le monde entier une culture matérialiste et mercantile, centrée sur l’agression et le profit au détriment de l’être humain, tel qu’il est considéré au sein de la civilisation chrétienne et européenne, de sa dimension spirituelle et de ses valeurs.
Il est du devoir de tous et de chacun de se poser des questions et de refuser le laisser aller, dans un esprit de défense civile permanente. Bien des catastrophes auraient pu être évitées dans le passé, même récent, si les citoyens avaient joué le rôle que la démocratie accorde au peuple souverain et engagé leur responsabilité face à des situations inacceptables et à des choix politiques odieux. Il en va de même, aujourd’hui, pour l’anglais qui n’est pas cette langue universelle que les Anglo-américains veulent nous vendre mais l’instrument sournois de pénétration de nos sociétés et de la conscience des individus, à des fin de domination, dont le succès n’est dû qu’à nous mêmes, à notre impardonnable conformisme, à notre lâcheté.
Le rôle de l’Eglise catholique n’a jamais été celui d’aller avec le courant, en plus, la responsabilité pastorale de la Chapelle est confiée à la prestigieuse mission jésuite européenne, or s’il n’y a même plus les Jésuites à avoir une approche critique des réalités du monde, auxquelles nous sommes cruellement confrontés, l’Eglise catholique du XXIème siècle est vraiment dans une impasse.
En annexe, je me permets de vous adresser quatre pages, tirées du livre de Dag Tessore, sur la pensée de Benoît XVI quant à l’usage des langues et au rôle du latin dans la liturgie, notamment dans les milieux internationaux. J’espère que le fait qu’elles soient en italien ne constitue pas un problème insurmontable pour vous.
Je ne doute pas quant au fait que ma lettre sera reçue avec un sourire d’indulgence envers une personne qui n’est pas « à la page » mais, personnellement, face à ma propre conscience, j’ai l’intime conviction d’avoir accompli un devoir.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très grande considération,
Anna Maria Campogrande
Copie : Foyer Catholique Européen, Fondation Roi Baudouin
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