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Le NON-NEE des citoyens européens à l’Europe dévoyée

La leçon à tirer des résultats du Referendum sur la Constitution

Le NON des Français et des Néerlandais a donné une voix à des millions de citoyens européens dissidents dans cette nouvelle Europe qui s’aligne, sans contrôle, sur le modèle néolibéral notamment par le biais de processus et de procé­dures qui dépouillent la Commission de ses compétences et de son droit d’initiative, excèdent les Traités en vigueur et trahissent les valeurs du modèle européen. Nous voici en présence d’une Europe qui relève davantage de l'opportu­nisme et de la politique politicienne que de la légitimité et de l’état de droit.

L’inaction de la Commission face à l’hétérogénéité des processus de ratification du Traité constitutionnel, au plan formel comme au plan de l’information correcte et exhaus­tive du citoyen, sa carence à exercer le rôle d’artisane de l’intérêt général et de gardienne des Traités, qui sont ses prérogatives fondamentales dans le jeu institutionnel de cette construction originale qu’est la Communauté euro­péenne, sont emblématiques de la dérive que connaissent en ce moment les institutions européennes.

Face au déficit démocratique qui ronge la crédibilité de ces institutions, la Commission était censée se faire promotrice d’une série de mesures de démocratisation, allant de la conception d’une Constitution pour l’Europe, qui ne peut, en aucun cas, être constituée d’un Traité de 448 articles, jusqu’au processus de ratification, pour lequel une harmoni­sation s’impose, et à la mise en place d’une stratégie d’information et de valorisation de son rôle, éminemment démocratique dans le jeu institutionnel de l’Union, de consultations des parties intéressées et d’ancrage aux réalités existantes. Le Traité constitutionnel, sa conception, sa ratification, hétérogène et désordonnée, soumise aux aléas des politiciens, ont été, pour la Commission, autant d’occasions ratées d’essayer de ramener tout le monde à la raison, de rappeler, haut et fort, son rôle, de se faire connaître du citoyen en tant qu’institution hautement démo­cratique.

Le processus de dégradation de la pensée fondatrice, qui a sous-tendu la création des institutions européennes pour la réalisation de l’intégration des pays de l’Europe, dans une optique de développement humain et social, de solidarité et de démocratie, est allé désormais si loin qu’il arrive à inter­peller le citoyen et à toucher sa conscience.

Les raisons profondes du NON des Français et des Néer­landais n’ont pas été abordées par les responsables poli­tiques en France comme aux Pays-Bas et notamment à Bruxelles et dans certaines capitales des États Membres parce qu’elles constituent un tabou. La classe politique européenne coupable d’inertie face à l’invasion des cheva­liers servants du néolibéralisme, ne veut pas reconnaître ses erreurs à l’égard de citoyens de plus en plus abusés, de plus en plus démunis et dépouillés de ce qui sont ses valeurs traditionnelles et son identité.

La question sociale, celle d’une société solidaire, la ques­tion linguistique qui a creusé un fossé entre les institutions européennes et les citoyens, celle d’une administration publique européenne, hautement performante et qualifiée, « reformée » selon les critères de l’entreprise privée nord-américaine, la question culturelle celle d’un modèle d'éduca­tion humaniste compatible avec les valeurs de notre civilisa­tion, n’ont à aucun moment été évoquées.  Les déclarations des responsables politiques ont été écoeurantes dans leurs tentatives de récupération de l’important signal d’alarme que les citoyens de deux Etats Membres fondateurs leur on transmis.

La démocratie en Europe a du plomb dans l’aile, son mo­dèle de société est menacé au plus profond de son être et les institutions européennes préposées à la construction de l’Europe communautaire apparaissent incapables de trouver les solutions appropriées pour la sortir de cette impasse.