Athena

Langues d'Europe

Accueil Documents A&D-B Le Commissaire Figel poursuit le démantèlement des services de traduction qui constituent l’assise de la démocratie en Europe

Le Commissaire Figel poursuit le démantèlement des services de traduction qui constituent l’assise de la démocratie en Europe

Juillet 2005

Alors que les institutions européennes reconnaissent le déficit démocratique qui les ronge et parlent de le com¬bler en se rapprochant des citoyens, le Commissaire au multilinguisme, Jàn Figel, poursuit la politique de déman-tèlement des Services de traduction de la Commission, privant ainsi les institutions européennes d'un de leurs meilleurs moyens de communication avec les citoyens. Cette politique de démantèlement, instaurée par l’ancien Commissaire Neil Kinnock, vise la suppression, à terme, des services de traduction et le transfert de ses activités vers un Centre de Traduction externe qui récupérerait les fonds destinés aux services linguistiques de l’institution.

En outre qu’en vue d’une hégémonie du British Council, proche du Commissaire Neil Kinnock, certains membres du Parlement européen, détenteurs d’agences de traduc-tion, ont beaucoup oeuvré pour la disparition des ser¬vices de traduction des institutions européennes. On peut se demander pourquoi les institutions européennes tolèrent l’existence d’intérêts privés de personnalités de haut niveau, dans l’exercice des leurs fonctions, et qu’est-ce qu’elles attendent pour ouvrir des enquêtes afin de mettre à jour d’éventuels conflits d’intérêt entre les fonctions exercées et des intérêts personnels et privés.

L’un des points les plus contestables de la Communica-tion de la Commission du 24 Juillet 2003 est le point 6. en annexe (1), selon lequel la Commission européenne noie les langues nationales officielles dans un pot commun avec toutes les langues existantes en Europe et sur la planète, dont les langues minoritaires, les langues régionales, celles de nos partenaires commerciaux et celles des migrants.

Alors même qu’il n’y a pas de compétence communau-taire en matière d’Éducation et de Culture, la Communi-cation de la Commission du 24 Juillet 2003, par le dispositif du point 6. empiète sur des compétences exclusives des États Membres (langues régionales, langues minoritaires et langues des migrants) rabaisse le niveau des langues nationales officielles et vise à créer une confusion inadmissible et pernicieuse entre les unes et les autres. La Commission devrait être attaquée, sur ce point, pour pollution des règles en vigueur et carence vis-à-vis des langues nationales officielles, qui sont les seules qui tombent sous sa compétence, de par le contexte des Traités, et au sujet desquelles elle a une responsabilité et un droit d'initiative.

Cette entorse grave a pu être enclenchée, d’une part, sous la pression des lobbies, infiltrés désormais dans toutes les institutions européennes, au service d’intérêts particuliers et privés mais, avant tout, à cause des manœuvres d'externalisa¬tion et du démantèlement continuel des Services de la Commission dont la conséquence directe la plus éclatante est constituée par la faiblesse et l’incompétence grandissantes de la Commission elle-même.

A l’instar de ses prédécesseurs, le Commissaire Figel prépare une Communication sur le multilinguisme qui doit être adoptée par le Collège dans les prochains jours. Cette Communication intervient au moment même où Mme Wallström, Vice-prési¬dente de la Commission, lance une nouvelle stratégie de la communication qui repose, dans une large mesure, sur les ressources linguistiques disponibles au sein de l'institution. Il faut donc, non seulement en appeler à M. Figel pour qu'il cesse de démanteler le service de traduction de la Commis¬sion, mais également à la commission de contrôle budgétaire et à la commission du budget du Parlement Européen afin qu'elles allouent aux services linguistiques des institutions des budgets suffisants pour mettre en place une véritable politique linguistique européenne et maintenir la qualité du dialogue avec les citoyens.

A la Commission, le démantèlement est insidieux, car il concerne surtout les 8 langues non procédurales de l’Europe des Quinze (danois, espagnol, finnois, grec, italien, néerlandais, portugais, suédois), mais aussi à un moindre degré l'allemand et le français. Les traductions dans ces langues sont systématiquement externalisées vers le marché freelance et le Centre de Traduction où les traducteurs sont recrutés comme temporaires, sur titres et entretien, à la différence des services linguistiques des institutions où ils sont recrutés sur concours et formés pour le travail spécialisé requis par la complexité des matières traitées dans le travail quotidien de la construction européenne. Cette vague de déman-tèlements suit celle qui a englouti la terminologie et qui est en train de balayer les centres de documentation, instru¬ments indispensables pour épauler des Services linguistiques de niveau européen qui devraient viser l’excellence au service du citoyen.

Dans l’intervalle, les traducteurs de la Commission, fonctionnaires qualifiés et disposant d’une expérience de plusieurs années, ont de moins en moins de travail et s'inquiètent pour leur avenir parce que la hiérarchie manifeste une préférence pour des traductions moins professionnelles de l’extérieur, sans doute pour faire travailler certains instituts et des agences privées, mais aussi pour faire croire à une telle baisse quantitative et qualitative des services linguistiques de l’institution qu’un jour il deviendra inévitable de proposer la langue unique afin de « sauver l’Europe » de cette calamité.

Pour l’heure, c'est un véritable gâchis, un gaspillage fou de l'argent du contribuable européen, et des ressources humaines de la Commission qui sont là, disponibles et qualifiées, et ne demandent qu'à travailler. La Commission continue à recruter des traducteurs des 9 nouvelles langues de l'élargissement (EUR-10) et commence à en recruter pour le bulgare et le roumain.

Afin de dissimuler la dégradation de la situation pour les traducteurs de l'Europe des Quinze, qu'elle enrobe dans l'expression "redéploiements internes", la Commission, dans son bilan, met toujours l'accent sur le recrutement de traduc¬teurs des nouveaux États Membres et des Pays candidats.

Il est révélateur que les traducteurs ne soient plus comptés en tant que tels, mais comme "FTE", c'est-à-dire "full time équivalents", complètement privés d’identité et déshumanisés. Il est à se demander qui se cache derrière les "FTE".

(1) ANNEXE

« COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN,
AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ET AU COMITÉ DES RÉGIONS »
du 24 Juillet 2003

6. Éventail de langues

La promotion de la diversité linguistique requiert d'encoura-ger activement l'enseignement et l'apprentissage d'un éven-tail de langues aussi large que possible dans nos établissements scolaires, universités, centres d'éducation pour adultes et entreprises. Pris dans son ensemble, l'éven-tail proposé devrait comprendre les petites langues euro-péennes, ainsi que toutes les grandes, les langues régionales et minoritaires et les langues des migrants, ainsi que celles ayant le statut de langue nationale, et les langues de nos principaux partenaires commerciaux dans le monde entier. L'élargissement imminent de l'Union euro¬péenne entraînera l'arrivée de toute une série de langues issues de plusieurs familles linguistiques; un effort particulier est requis afin d'assurer que les langues des nouveaux États membres seront plus largement apprises dans d'autres pays. Les États membres disposent d'une marge considérable pour prendre une avance dans la promotion de l'enseignement et de l'apprentissage d'un éventail de langues plus large qu'actuellement.